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          Si les 3 s'en donnent à cœur joie dans la date de naissance de Christine Faguet –
jonglant avec le jour, le mois et l’année -, le 4 marque de son sceau le jeu pictural de l’artiste.
Ses triptyques n’y pourront rien changer.
           Les quatre éléments, les quatre parties du monde, les quatre saisons, les quatre heures
du jour, les quatre poèmes et les quatre tempéraments de l’homme…Christine Faguet revisite
à sa manière la Grande Commande de 1674 pour le parterre nord des jardins de Versailles.
Mais il ne s’agit plus de sculptures.
          Concrétions rocheuses, secousses telluriques, spasmes aquatiques, vagues déferlantes,
frondaisons vaporeuses, apparitions inquiétantes, matrices originelles, pulsions sensorielles et
désirs flamboyants animent ses toiles à la matière généreuse, nourricière. L’abstraction en est
le maître mot et l’onirisme se taille la part du lion. Et pourtant… On ne peut s’empêcher de
penser à d’autres maîtres, d’autres époques, d’autres écoles. Le chromatisme léger, mousseux,
fait de gris, de bleus et de jaunes m’évoque ici l’univers de Fragonard, là ces fêtes galantes de
Watteau, dont les personnages auraient quitté la toile, ne laissant de leur présence évanouie
qu’empreintes, masques tombés, soieries bouillonnantes, parfums évaporés. Dans une autre toile,
le fantôme d’une Salomé ou d’une Hélène surgie de l’univers de Gustave Moreau a tracé
une fulgurance rouge sang comme un doigt pointé. Vapeurs orientales, chatoyantes fatales.
L’alchimie de Christine Faguet met nos sens à vif. Réminiscences, évanescences.
Voyage sans entrave.
          Car Christine est une artiste libre. Libre de ses mouvements, elle ne peint pas
forcément sur un chevalet ; l’œuvre peut naître à même le sol, si tel est son désir. Libre dans
son cheminement, elle ne se laisse jamais enfermer dans une idée. L’idée surgit, prend forme,
suit son cours et s’en dévie, emmène l’artiste vers d’autres paysages. Geysers, chutes d’eau,
glaciers, aurores boréales, dunes de sables violets, déserts de sel, volcans, la nature est dans tous ses états.
Nous aussi. Tant mieux.
          A l’acrylique, qui permet la spontanéité, Christine associe toutes sortes de matériaux :
poudre de marbre, papiers collés, papiers de soie, bouts de tissus… La fusion de ces
techniques mixtes abolit les frontières ; on ne sait plus ce qui est quoi. Mouvances. On se
laisse transporter. Un jaillissement de verts et de rouges nous enveloppe, on se croit
au printemps. Il y a le feu de l’été, l’humus à l’âcre odeur de forêt humide et de champignon
d’automne, le givre craquant de l’hiver. Il y a l’Asie, l’Amérique, l’Europe et l’Afrique. Il y a
le point du jour, la lourdeur de midi, la douceur du couchant et l’encre de la nuit. Il y a
la colère, l’apaisement, la fougue, la mélancolie, la joie, le cri. L’audible et l’indicible.
          Christine est friande de tout ce qui accroche son regard et son cœur, friande de reflets,
de fragments de matière, de particules de lumière, d’éclats de vie. Elle nourrit de ses
gourmandises et de ses sensations un œuvre peint devant lequel chacun est libre d’imaginer de
quoi est faite l’étoffe des rêves.

Valérie Denarnaud-Mayer